La recherche en éducation met de plus en plus l’accent sur l’importance du bienêtre à l’école, et les conditions à mettre en œuvre pour que les élèves persévèrent et réussissent scolairement, voire développent leur personnalité. Cela demande de faire émerger une relation apaisée entre les élèves, les enseignants, et les savoirs.
Mireille Cifali, Tenir parole. Responsabilités des métiers de la transmission, PUF, 2020.
Nous sommes des êtres de langage. Dans les métiers de la transmission, Mireille Cifali nous rappelle l’essentialité d’une parole fiable, afin que le dialogue annoncé ne soit pas un vain mot. Dialogue engagé entre les professionnels qui souhaitent collaborer, inclure. Dialogue rompu quand on en vient à exclure. Avec parfois un monologue. Un silence laissant seul. Un jugement qui enferme. Avec nous, Mireille Cifali aborde l’art de tenir parole. Elle évoque la toujours présente violence vécue qui, par les mots, se transforme. Elle nomme les attitudes et les paroles qui assurent une position d’autorité, et non plus de pouvoir. Ainsi, un regard tendre peut se construire jusque dans les rencontres difficiles, pour la dignité de chacun. Dès lors, face au discours de l’efficacité s’inscrit la responsabilité qualitative de nos gestes adressés. Face à un futur avec ses rêves de scientificité, sa technologie, s’avancent nos craintes et nos soins. Afin de sauvegarder l’expérience et le temps d’apprendre.
Des enfants « trop silencieux » à l’école, des adultes qui racontent en riant leur souffrance lors d’un changement dans leur vie, des vieux dont l’attitude figée traduit un enfermement dans le silence, pourraient-ils passer du « silence sur soi » aux « dires des sentiments » ? Telle est la thématique dont l’auteur a l’ambition de s’emparer. Ambition, parce qu’embrasser une thématique large n’est pas de bon ton dans le monde scientifique.
Écouter le silence à différents âges de la vie, conduira pourtant l’auteur à une hypothèse tout à fait nouvelle sur la survenue de l’Alzheimer, sur la stigmatisation des élèves dont le silence est tantôt requis, tantôt rejeté, et sur la contrainte que fait peser le courant de la Pensée dite positive à ne laisser voir aucune faiblesse.
À quelles conditions le « dire ses sentiments » peut-il donc, apparaître ? De la réponse à cette question émergent bien des pistes d’action et de prévention pour les professionnels des relations humaines.
publié pour la première fois en 1994,
a eu un 6ème tirage en août 2017
aux Presses Universitaires de France.
Cet ouvrage s’adresse en priorité à ceux qui oeuvrent sur le terrain des métiers de l’humain : enseignants, parents, éducateurs, soignants… Les questions abordées, auxquelles ils sont quotidiennement confrontés, ne sont certes guère nouvelles – parole, agressivité, séduction, angoisse, violence, curiosité, sexualité, savoir, transfert, dépendance, institution, changement. Toutes sont épreuves et richesses d’enfance, épreuves et doutes d’adulte. Mireille Cifali prend le risque de mettre des mots sur ce que ces métiers savent parfois en silence. Elle qualifie de psychanalytique cette position qui permet aux praticiens, sans céder sur la complexité de leurs actes, de construire un savoir de l’intérieur.
Voir aussi page « Productions complices »
Il s’agit de :
« S’ouvrir à la parole entre enseignants »;
« Un point de vue de psycho-pédagogue sur l’évaluation »;
« Ton échec m’intéresse »;
« De voir à entendre ou les faits de parole en rééducation »;
« Sujet et analyse de la pratique professionnelle en formation initiale ».
Il y en aura d’autres dans les semaines et mois qui viennent.
Je vous les recommande.
Yves de la Monneraye est l’auteur de La parole rééducatrice. La relation d’aide à l’enfant en difficulté, Dunod, 2005.