Mireille Cifali, Au jeu du commencement, in Commencements et recommencements, Education permanente, n°210, dirigé par Patrick Mayen et Joris Thievenaz.

[…] « Chaque professionnel a à conquérir ses habiletés. Cela ne saurait pourtant suffire. Des habiletés sans adresse à un autre, sans réflexion liée à la situation dans laquelle elles prennent place, peuvent devenir dangereuses automatismes susceptibles de rendre aveugles et destructeurs. Dès lors préservons une philosophie du geste adressé, conservant à chaque fois les qualités d’une première fois, avec une présence sensible, une intelligence située, et l’empreinte d’une altérité qui fait trembler le geste dans son hésitation à trouver la voie « juste » en présence de cet autre singulier. Préservons une intériorité rendant à chaque geste sinon sa beauté, du moins son humanité réfléchie. Tout en apprenant à suspendre gestes et paroles, pour faire advenir à travers le corps ce qui convient et se crée. Loin d’un activisme, ou d’une répétition sans âme, offrons à chaque geste son ouverture, inaugurant ainsi pour soi et pour l’autre un commencement.

Les gestes (paroles, actes) relationnels ont à conserver quelque chose de leurs balbutiements, d’une résistance éprouvée du réel qu’ils ne nient pas et qu’ils intègrent. Garder dans les gestes un tremblement, une maladresse, traces d’un humain non dans l’éblouissement de la prestation mais grâce à la vulnérabilité inhérente à tout engagement dans un acte qui concerne un autre. C’est ce trébuchement qui signe notre humanité. Sinon, il y a de l’arrogance derrière la maîtrise et l’habileté. Un geste relationnel qui garde les traces de son commencement, même s’actualisant pour la énième fois, transmet une retenue, une humilité au contact de son « pouvoir-de-ne-pas », ce qui permet qu’il soit accueilli. »

[…] 

Commencements et recommencements, Education permanente, n°210, dirigé par Patrick Mayen et Joris Thievenaz.

La question des commencements, ou des recommencements, fait partie de ces problématiques que l’on rencontre un peu partout dans le champ de l’éducation et de la formation des adultes. On «commence» un cours ou un programme de formation, on «recommence» à apprendre ou à travailler, mais on cherche aussi à comprendre les «commencements» ou les origines d’une situation, du développement ou d’un phénomène, etc. Quiconque pénètre les « coulisses » de la formation (depuis sa conception jusqu’à sa mise en œuvre) s’aperçoit qu’il y a là un enjeu central, pour le formateur comme pour l’apprenant. Derrière la thématique des commencements se cache en effet la difficile question de ce que l’on nomme couramment les «ressorts», «déclencheurs», «leviers» et autres «moteurs» de l’activité. Et rien n’est plus difficile que de commencer, ou de penser ce commencement ! En s’emparant de ce thème banal en apparence, Education permanente invite à une réflexion transdisciplinaire sur la question de l’initiation et des initiateurs de l’activité, dans le champ de la formation et dans toutes sortes de contextes.

Journée au Cnam le 9 juin 2017

Mireille Cifali, Invitation à la lecture, in Long Pham Quang, Emotions et apprentissages, Paris, L’Harmattan, 2017.

[…] « Sur la scène scientifique il est presque devenu à la mode – si je puis dire – de parler d’intelligence émotionnelle, d’approche cognitive des émotions, de neurosciences des émotions. Ces approches ne recouvrent pas mon espace de recherche qui fut et est encore clinique, ancré dans des références psychanalytiques et éthiques. J’ai lié les métiers de l’humain à un espace relationnel où les sentiments (c’est ainsi que j’en parle) avaient leur place, des sentiments qu’il s’agit certes de penser, mais qui pour mon approche ne sont pas de la même texture que le cognitif. Grâce à Pham Quang, j’ai pu saisir la différence qu’il trace après d’autres entre émotion et sentiment. J’ai pu apprécier une méthodologie d’approche qui n’est pas la mienne. Je l’ai pu grâce à sa sensibilité qui, si elle est discrète et pudique, se révèle sous les mots, dans la mélodie de son écriture.

Par son extrême attention aux professionnels qui ont accepté sa présence et son regard, Pham Quang m’est proche sur le plan d’une éthique de la recherche. En retour de leur accueil, il leur a en effet restitué ce qui est parfois difficile à obtenir quand on est identifié à un lieu dévalorisé, livré à des fantasmes réducteurs, à des plaisanteries de mauvais goût, à un ostracisme manifeste : il leur a restitué une reconnaissance de l’intelligence de leurs actes, une reconnaissance de ce qui se passe grâce à eux comme essentiel à la vie humaine, de l’utilité et de la « beauté » de leurs gestes. Il est trop rare que l’écriture d’un chercheur fonctionne sur ce registre. Pham Quang ne désapproprie pas celles et ceux qui travaillent de la compréhension de ce qu’ils font mais la leur restitue avec humilité. Sans prendre leur place, mais en pensant avec eux les fondamentaux de leur présence formatrice. »
[…]

Texte complet

Ecritures complices

Long Pham Quang, Emotions et apprentissages, Paris, L’Harmattan, 2017.

Apprendre de, apprendre par, apprendre dans les émotions…
Peu de questions présentent un enjeu social et personnel, un enjeu théorique et méthodologique aussi fort pour la recherche, pour la formation que pour la construction de sa propre existence.
Loin d’être des états transitoires, loin d’être des empêchements d’agir, les émotions trouvent leur pleine portée dans la mise à jour du rapport qu’elles entretiennent avec l’engagement et la construction de sens dans l’action. Elles permettent et donnent sens aux apprentissages, qu’ils soient possibles ou reconnus par les sujets. Les émotions informent et dynamisent les processus de subjectivation.
C’est à l’occasion d’une immersion en soin mortuaire, méconnu et pourtant essentiel, que sont avancées dans cet ouvrage des propositions théoriques et méthodologiques visant l’analyse des rapports pouvant s’établir entre émotions situées et apprentissages en situation de travail. Cet ouvrage s’adresse aux chercheurs comme aux professionnels et étudiants désireux de disposer de définitions et d’outils d’analyse précis.

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Mireille Cifali "Une carrière consacrée aux métiers de l'humain". Site propulsé par WordPress avec le Theme Adventure par Eric Schwarz
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