Parution du n° 256 de la revue TRACeS de changements 
consacrée à « Quand ça foire », 2022.
Avec mon article « Rebond » à la page 20.

Édito À TRACeS, on aime bien raconter ce qui foire. La séquence idéale, les élèves qui sont là où on les attend, qui apprennent ce qu’on voulait leur faire apprendre, l’institution bien huilée… c’est rare, voire ça n’existe pas. Les imprévus, par contre, les coups de gueule, les contestations, la manipulation, les rapports de force, le matériel qui manque, le cadre qui ne tient pas ses promesses sont le quotidien de celui qui cherche à enseigner, à l’école ou ailleurs. Raconter nos foirages, on ne le fait pas par plaisir masochiste (ou juste un peu parfois), c’est selon nous (et en toute humilité) une démarche formatrice qui nous en apprend sur nous-mêmes, la pédagogie, l’école et toute la société qui lui tourne autour ; qui nous en apprend sur cet impossible métier d’enseigner.

Ce qui nous intéresse, c’est de questionner la posture du prof : que fait-il avec l’imprévu ? A-t-il laissé suffisamment de place à l’imprévu ? Les élèves avaient-ils une marge de manœuvre ? Était- elle trop large ou trop étroite ? Et quand le foirage se présente, comment je l’accueille ? Il peut être considéré comme un piège ou comme une opportunité d’en apprendre (sur soi ou les autres) et de faire autrement.
La réflexivité est une démarche qui nous semble centrale dans la formation continuée de l’enseignant. La mise en écriture et les échanges entre pairs (surtout quand ils sont guidés par l’entraine- ment mental !) permettent cette mise en question de la pratique, nous l’avons encore expérimenté lors de ce weekend d’écriture. Nous tentons de raconter ce qu’on fait sans l’embellir, sans se sentir supérieur, sans chercher à faire la morale ni prescrire le bon comportement. Nos textes ne sont pas des recettes, juste
des chemins. En espérant que vous en apprendrez un peu sur nos sentiers, bonne lecture. (Comité de rédaction)

***

Rappel de la parution du n° 250 de la revue
TRACeS de changements 
consacrée à « Difficultés professionnelles »
Avec mon article « Tirer les fils pour dénouer » à la page 10

Édito Un numéro sur les difficultés professionnelles : chouette, ça va être drôle! Où sont les toilettes que je puisse tchouler tranquille?
Ça commence avec l’entrée dans le métier, où chacun peut mesurer l’écart entre ce qu’il a appris en formation initiale et ce qui se passe, en classe, quand on est seul. On se sent tout nu. Perdu. Avec un peu de chance, ce n’est pas un intérim trop long…

Si c’était si facile tout le monde le ferait1 et beaucoup moins chan- gerait d’orientation professionnelle. Mais, c’est un métier utile où on peut être cet enseignant qui émancipe ses élèves, grâce au tra- vail dans la classe et au cadre que l’on garantit, à force d’avoir su apprivoiser les difficultés et chercher à inventer d’autres dispo- sitifs, d’autres manières de répondre aux conflits qui surgissent, d’avoir pu établir des priorités entre les savoirs. Être celui qu’un ancien élève interpellera dans la rue, le sourire large, heureux du hasard des retrouvailles. N’oublie pas tes rêves2…

Mais Qui tu serais pour réussir où tous les autres ont échoué3 ?, dans un système de quasi-marché scolaire, où les enseignants sont placés dans des injonctions paradoxales : faire réussir tout le monde (décret mission) et sélectionner les meilleurs (pour donner de la valeur aux diplômes, faire vivre le système des filières de relégation). Comme l’a dit Jacques Cornet : « Chaque enseignant doit faire de chacun de ses élèves à la fois un petit Bill Gates, un petit José Bové et un petit Dalaï-lama ou Paris Hilton selon la conception qu’il a de l’épanouissement personnel4. » Mission impossible. Une fois qu’on le sait, ça va déjà un peu mieux. On est pris dans une machine, mais collectivement, on peut essayer de la transformer, de revendiquer des changements.

Les difficultés ont différents aspects entremêlés : politiques, insti- tutionnels, pédagogiques, didactiques, relationnels, organisation- nels, socioculturels, économiques, conjoncturels…
Et d’ordre matériel, liées aux infrastructures parfois à la limite de l’insalubrité : un trou béant dans le plafond de la salle de gym, des locaux qui limitent les possibilités, une simple cloison pour faire d’une classe deux…

Et puis, ce n’est pas facile de se mettre dans la tête de l’élève qui ne sait pas, qui ne comprend pas. Mais comme l’élève, nous pouvons apprendre, avec les autres, de nos difficultés. Nos actions pédago- giques sont faites d’un dispositif, de consignes et de mille petits riens. Il n’y a pas de honte à travailler la complexité toute crue avec d’autres, car tout le monde éprouve des difficultés. Et ceux qui disent ne pas en avoir mentent ou sont aveugles, peut-être parce que les voir n’est pas supportable pour eux. La gestion de classe, ce n’est pas tabou. Il faut rompre le silence.

On n’aime pas trop donner des conseils, mais il y en a quand même un dont on a hérité et qui s’avère précieux : ne pas rester seul. Avec ses déclinaisons à prendre ou pas : chercher à faire du travail collaboratif avec des pairs aidants dans son école ou ailleurs, se syndiquer et connaitre ses devoirs contractuels pour pouvoir me- surer ses marges d’action, rejoindre un mouvement pédagogique, continuer à se former et à lire. Ce TRACeS, par exemple ! Vous nous direz si ça vous a fait du bien. (Comité de rédaction)

1, 2 et 3 Musique du groupe Casseurs Flowters, « Facile ».
4 J. Cornet, « L’enfer scolaire est pavé des bonnes intentions descatholiques», Revue politique, 2010.

 

 

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Mireille Cifali "Une carrière consacrée aux métiers de l'humain". Site propulsé par WordPress avec le Theme Adventure par Eric Schwarz
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Mireille Cifali

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