La revue Cliopsy n°15 est parue.

Vous pouvez la consulter ici.
Son sommaire.

Editorial

Ce quinzième numéro de la revue Cliopsy est un numéro varia qui nous mène au cœur même de la démarche clinique d’orientation psychanalytique.

Pour commencer, Antoine Kattar nous propose l’analyse d’un entretien clinique de recherche mené avec une adolescente libanaise. Il montre comment, dans l’après-coup, le cheminement de la pensée du chercheur, notamment à travers l’analyse de ses mouvements contre-transférentiels, lui permet de mieux comprendre les enjeux psychiques de la construction identitaire des sujets adolescents au regard d’un environnement incertain, que celui-ci soit lié à la situation politique ou aux injonctions parentales et sociales. Repenser l’environnement comme ce qui entoure et aussi comme ce que l’on porte en soi s’avère une piste de réflexion essentielle pour envisager le rôle que peuvent jouer les différents professionnels pour renforcer et étayer le soi-adolescent en construction et la manière dont ces derniers pourraient eux-mêmes être accompagnés pour élaborer les résonances intrapsychiques, intersubjectives et trans-subjectives inhérentes à l’exercice de leur métier.

Tamara Bibby, qui enseignait à l’Institute of Education de Londres, montre ensuite la pertinence de la transposition dans le contexte scolaire des notions de « rêverie » de Wilfred Bion et de « parler-rêver » de Thomas Ogden. Pour cela, elle analyse deux situations conflictuelles entre un-e élève et un-e enseignant-e, observées dans le cadre d’une recherche. Alors que, dans la première situation, l’enseignant comme l’élève sont en proie à leurs émotions, en difficulté pour métaboliser ce qui s’est passé, dans la seconde situation, la réaction de l’enseignante vis-à-vis d’un élève qui manifestait son refus de la tâche a permis à celui-ci de contenir son angoisse et de se réinvestir dans la leçon. Ainsi, l’auteure propose l’idée selon laquelle la « rêverie » et le « parler-rêver », chez l’élève comme chez l’enseignant, peuvent jouer un rôle aussi important dans la pensée et l’apprentissage scolaire que l’activité vigile.

C’est aussi dans le contexte de la classe que Véronique Kannengiesser revisite la notion de rapport au savoir théorisée dans le champ de la clinique d’orientation psychanalytique en sciences de l’éducation, à propos de l’entrée en maternelle et des processus psychiques à l’œuvre chez l’enfant lors de cette transition vers un devenir élève. Les travaux de Piera Aulagnier sur l’activité de pensée de l’enfant lui servent de mise en perspective pour proposer que l’enseignant puisse être le porte-parole, l’interprétant de l’école et de l’enfant sur le chemin de celui-ci vers l’autonomie. Son analyse d’une observation clinique réalisée en petite section la conduit à l’hypothèse que, dans une situation où l’enseignant imposerait inconsciemment un rapport au savoir en rupture avec celui construit dans l’espace familial, le savoir visé à l’école ne pourrait pas, ou très difficilement, se constituer. Elle emprunte alors à Esther Bick la notion de processus psychiques adhésifs pour caractériser les risques de la relation d’emprise dans cette situation.

À partir du constat des différences psychiques entre le désir d’apprendre dans les études et l’investissement du travail ordinaire, Dominique Méloni et Laetitia Petit présentent certains enjeux du passage de la fin des études au début de l’activité professionnelle. L’analyse de deux vignettes leur permet de faire l’hypothèse que les réaménagements subjectifs de la fin des études entrent en résonance avec la problématique adolescente et ses remaniements œdipiens. Les études et le travail convoquant deux registres psychiques différents, il convient alors de revisiter la place du plaisir, celle du manque et la transformation du rapport aux savoirs au moment de l’adaptation du sujet au monde du travail.

Dans un temps situé après l’analyse des matériaux recueillis pour son mémoire de thèse et dans une dynamique en proximité avec celle du passage évoqué dans l’article précédent, Vincent Gevrey revient sur sa propre expérience de chercheur clinicien débutant afin de l’explorer dans l’après-coup. Il part d’un questionnement concernant sa place et sa subjectivité de chercheur au cours d’une étude centrée sur la question du décrochage scolaire. Revenant sur son travail auprès d’un groupe de parole constitué de collégiens, il examine à la fois certains éléments de son propre rapport au savoir et les enjeux de l’instauration de ce lieu psychique proposé aux adolescents qui est aussi, pour le chercheur, « une manière d’être là, au sein du groupe ».

Le dernier texte, proposé par Narjès Guetat-Calabrese, Laure Lafage et Claudine Blanchard-Laville, « rend compte des effets d’un dispositif d’élaboration conçu pour accompagner deux formatrices intervenant conjointement dans une action de formation menée auprès de l’équipe pédagogique d’un établissement socio-éducatif ». D’une façon à la fois précise et sensible, nous sommes mis au courant des détails indispensables à la compréhension de ce qui est au cœur de leur texte : saisir comment un accompagnement élaboratif a permis aux deux intervenantes de poursuivre une action de formation malmenée ponctuellement par une participante, non seulement en conscientisant des différences dans leurs conceptions de la formation, mais aussi en leur offrant l’opportunité de faire des liens avec leurs propres histoires familiales et en transformant notamment le lien amical qui les unissait. Ce texte met en évidence, sur un plan clinique, la nécessité de l’élaboration, dans un dispositif adéquat, des mouvements inter-transférentiels entre deux co-animateurs et il offre, sur un plan théorique, un retour contextualisé sur la notion d’étayage psychique due à René Kaës.

Ce numéro se clôture par les rubriques habituelles.

Mej Hilbold propose une recension du livre coordonné par Mireille Cifali, Florence Giust-Desprairies et Thomas Périlleux : Processus de création et processus cliniques.

Les résumés des thèses de Maryline Nogueira-Fasse (Devenir enseignant-e. Approche clinique des étayages à la construction identitaire dans la formation des enseignant-e-s du primaire : écriture et rite de passage), Thierry Hélie (L’expérience des enseignants spécialisés avec des élèves « autistes » : une approche clinique) et Véronique Kannengiesser (L’entrée à l’école maternelle : naissance du je-élève et autonomie de l’activité de penser) complètent l’ensemble.

Très bonne lecture,

Le comité de rédaction

 

 

 

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Mireille Cifali

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