Journée scientifique consacrée à Jacques Pain, le 19 novembre 2022 à Paris, Université de Nanterre.

Programme, ici.

Argumentaire

Cette journée scientifique rend hommage à Jacques Pain (1943-2021), professeur honoraire en Sciences de l’éducation à l’université Paris Nanterre. Elle est la première d’une série de trois manifestations. La seconde journée, qui aura lieu à Genève le 3 décembre 2022, sera consacrée à l’actualité et à la fécondité de la pédagogie institutionnelle1. La troisième journée se tiendra à Bruxelles en janvier 2023 et portera sur les travaux de recherche et interventions que Jacques Pain y a mené. L’école de La Neuville2, qui fête ses 50 années d’existence, s’associe à ces manifestations en réalisant notamment trois films qui seront projetés lors de ces trois journées. À Nanterre, c’est un film spécialement consacré à l’itinéraire intellectuel de Jacques Pain, Le Maître, l’universitaire et l’école caserne, que les participants pourront découvrir.

Commencer par Nanterre s’imposait, puisque c’est en ce lieu que Jacques Pain a fait toute sa carrière d’enseignant-chercheur. C’est en 1967 à l’université Paris X-Nanterre, comme l’on disait à l’époque, qu’il débute des études de psychologie. Il y vit les événements de Mai 1968 en s’engageant au plan politique. Il obtient en 1969 une licence de sciences de l’éducation dans cette même université, où cette discipline vient de faire son entrée. C’est à cette époque qu’il fait la rencontre décisive de Fernand Oury et découvre la pédagogie institutionnelle (PI) dans les Groupes d’Éducation Thérapeutique (GET). Bien que Fernand Oury soit d’une méfiance « primaire » à l’égard des universitaires3, il accepte que Jacques Pain co-rédige avec lui la Chronique de l’école-caserne, publié en 1972. Leur compagnonnage ne cessera qu’avec le décès de Fernand Oury en février 1998.

De 1973 à 1975, il enseigne au Collège d’Enseignement Technique de Cormeilles-en-Parisis (95) où il pratique les techniques Freinet et la pédagogie institutionnelle. Freinet, Marx, Freud, les travaux anglo-saxons sur les groupes, la psychothérapie et l’analyse institutionnelle constituent ses points d’appui, avec les arts martiaux et la pensée japonaise. À l’époque en effet, il enseigne le karaté-do Kyokushinkai de 1973 à 1978 (alors ceinture noire 1ère dan) et approfondira sa pratique, avec quelques séjours au Japon, jusqu’au 4e dan.

En 1979, Jacques Pain soutient un doctorat de 3e cycle en sciences de l’éducation, sous la direction de Gilles Ferry, intitulé Une formation à la pratique de l’institutionnel : Pédagogie institutionnelle et formation. Il est nommé assistant en sciences de l’éducation à Nanterre en 1981. Convaincu qu’une véritable formation des éducateurs et des enseignants se doit d’être cohérente avec les valeurs et les principes qu’elle affirme, il met en pratique le modèle de formation élaboré dans sa thèse : multiréférentialité et analyse de pratiques, mise en place d’« institutions »4… Les années 1980 sont extrêmement prolifiques. Il intervient dans d’innombrables lieux d’éducation et de formation, auprès d’équipes de professionnels dans les champs éducatifs (de l’Éducation surveillée puis de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, à la « Maison de nos enfants » en Belgique et dans des établissements de Protection sociale de l’enfance…) et pédagogiques. Il se joint à Françoise Dolto et à Fernand Oury pour accompagner l’école de La Neuville, dirigée par Fabienne d’Ortoli et Michel Amram.

En 1983, il fonde les éditions associatives Matrice, avec Daniel David et Christine Vander Borght5. Elles permettent de diffuser largement la pédagogie institutionnelle. Des universitaires et des praticiens reconnus y côtoient des professionnels experts. À cette période aussi, Jacques Pain participe à la création du VIRFO (Violences recherches et formations), un collectif d’une vingtaine de chercheurs et de professionnels des sciences humaines et sociales pratiquant tous un art martial ou un sport de combat. Il s’agit d’aider, aux plans professionnel et personnel, à mieux comprendre et à maîtriser les formes de violence à une époque où peu en parlent, par la mise en pratique et la théorisation au plus près des sujets et des groupes. Il devient maître de conférences en 1988.

En 1993, Jacques Pain soutient son doctorat d’État, Pratique de l’institutionnel, recherche-intervention et recherche-formation dans le champ éducatif, sous la direction de Jacques Natanson, puis fonde l’équipe de recherche « Crise, École, Terrains sensibles » au sein du laboratoire Cref (Centre de recherches éducation et formation). Professeur des universités en 1995, il est un syndicaliste engagé au Snesup et l’une des figures incontournables de l’université Paris X-Nanterre, participant à sa gouvernance, élu dans divers conseils (1992-2002), siégeant à la commission de discipline (fin des années 1990), dirigeant le service universitaire de la formation des maîtres (1989-1992). Le recteur de l’académie de Versailles le charge d’une mission sur les questions de violence en milieu scolaire entre 1992 et 1994.

De cet itinéraire extrêmement riche, nous avons retenu trois orientations qui feront l’objet d’échanges et de débats lors de la journée scientifique du 19 novembre 2022.

1. Conception et pratiques de la pédagogie institutionnelle et de la formation

Quels apports des travaux de Jacques Pain à la théorisation de la pédagogie institutionnelle d’une part, à la formation des enseignants à et par la pédagogie institutionnelle d’autre part ? Que retenir du rôle majeur que Jacques Pain a joué dans l’entretien des liens entre les groupes, écoles et personnalités de la pédagogie institutionnelle ? Quelles transpositions de ces apports sur d’autres terrains éducatifs ?

2. La question de la violence et de son traitement

Comment évaluer, rétrospectivement, l’influence des travaux de Jacques Pain sur la violence dans le champ éducatif, plus particulièrement scolaire ? Intégrer, métaboliser la violence dans les relations éducatives et humaines fait-il encore sens à l’ère des réseaux sociaux ?

3. Conception et pratique de la recherche

Quelle portée de la « pédagogie institutionnelle d’intervention » pour l’étude des pratiques éducatives et pédagogiques actuelles ? Quelle place des partis-pris épistémologiques et des inventions méthodologiques portés par l’équipe « Crise, École, Terrains sensibles » aujourd’hui, alors que l’idéal de la recherche en éducation fondée sur la preuve revient avec force dans les débats scientifiques ?

Signalons enfin à l’occasion de cette journée scientifique du 19 novembre 2022, la parution d’un numéro spécial de la revue Spécificités consacré à Jacques Pain, revue Interface portée par l’équipe « Crise, École, Terrains sensibles » (UR Cref), avec une trentaine de contributrices et contributeurs, qui sera présenté par Marie-Anne Hugon et Alain Vulbeau, coordinatrice et coordinateur.

1 https://www.unige.ch/fapse/life/debats/colloques/soigner-le-milieu/
2 http://www.ecole-de-la-neuville.asso.fr/
3 Oury, F., & Pain, J. (1972). Chronique de l’école caserne. Paris : Maspéro, p. 42.
4 Pain, J. (1982). La formation par la pratique. Pédagogie institutionnelle et formation. Vauréal : Micropolis (réédité en 1998 chez Matrice) ; Pain, J. (dir.) (1994). De la pédagogie institutionnelle à la formation des maîtres. Vigneux : Matrice.
5 Aujourd’hui transférées à Champ social éditions : http://www.champsocial.com

 

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