Carnet 20. Regard ancré, du train entre Genève et La Chaux-de-Fonds (2003-2016)

« Regard ancré », qu’est-ce à dire ? Au fil du temps, mes pas se sont portés dans différents « lieux », mes « endroits » qui m’ont accueillie, abritée, construite, parfois meurtrie. Ils ont été le témoin de mes espoirs et de mes larmes. Lieux d’enfance, lieux choisis. Lieux d’ici et d’ailleurs. Ils sont ces attaches qui me permettent de partir et de revenir, andata e ritorno. Il y en a, pour l’instant, sept :
La Chaux-de-Fonds, Genève, Paris, Tirana, Chandolin, Gramsh et Qerret.
Plus un, qui relie Genève à La Chaux-de-Fonds et vice versa, en train, 
Les images saisies tissent certainement des liens entre eux.

De La Chaux-de-Fonds à Genève en passant par Neuchâtel se dessine une ligne d’erre, très tôt, dès 1972. Elle s’inversa ensuite par le retour, presque chaque mois, dans la ville natale que n’ont pas quittée mes parents.

2003 fut l’ouverture de mon regard, entre Genève et Paris (Carnet1). L’autre trajet, ancrage familial, mon grand-père était chef de train, comporte des paysages familiers tant de fois traversés sans être retenus. Cette année-là, j’ai commencé à les regarder, eux aussi. Du bord du lac à la montée vers La Chaux-de-Fonds, je me saisis des routes qui filent à l’horizon, symboles d’une vie dont l’avenir est une énigme. Je marque les saisons qui transforment les arbres. J’attends la cabane que je n’ai jamais visitée, refuge à chaque fois transformé par les couleurs du ciel et du lac, la vitesse du train et le déclic trop tardif tronquant souvent l’image. Des lieux se sont ainsi révélés, par la répétition des voyages et du regard. Les images ne disent rien de mes peines, inquiétudes, lourdeurs et plaisirs d’une vie en transhumance. Elles signent seulement ma présence entre deux villes, mon entre-deux.